Pourquoi ce putsch militaire au Mali?
Jeudi 22 mars, une partie de la junte militaire a renversé le président Amadou Toumani Touré. A quelques semaines seulement de l'élection présidentielle du 29 avril, l'autoproclamé Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE) a voulu précipiter les choses... Le porte-parole de ces soldats, le lieutenant Amadou Konaré, l'a expliqué à l'antenne de la radiotélévision nationale dont les mutins ont pris le contrôle. Le but de ces soldats menés par le capitaine Amadou Sanogo: "mettre fin au régime incompétent" qui se trouve dans "l'incapacité (de) gérer la crise au nord" du Mali depuis la mi-janvier. La rébellion touareg y connaît en effet un nouveau souffle depuis la mi-janvier: elle bénéficie du soutien d'hommes revenus de Libye, lourdement armés, après avoir combattu pour le défunt "Guide" libyen Mouammar Kadhafi. Elle est notamment aidée par des groupes islamistes armés, en particulier Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
"Voilà plus d'un mois que le malaise au sein de l'armée était palpable", notait un universitaire proche d'ATT dès jeudi.
Vincent Hugeux, grand reporter au service Monde de L'Express :
"Les effets collatéraux de la révolution libyenne (...) ont ébranlé une société politique fragile"Le putsch n'est donc pas une réelle surprise.
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Qui sont les TouaregsLe terme Touareg désigne un peuple de nomades dont la population est estimée à entre 1,5 million et 2,5 millions d’individus selon les sources. Ils sont les habitants historiques de la région sahélienne divisée par la colonisation entre l’Algérie , le Burkina Faso, la Libye, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Peuple à l’histoire millénaire, ils possèdent leur langue (le tamasheq, apparenté au berbère) et leur propre alphabet (le tifineq). Ils ont notamment fondé la ville de Tombouctou entre le XIe et le XIIe siècle de notre ère. Ils ont été les dominateurs historiques du commerce transaharien pendant des siècles.
Leur voile traditionnel de couleur bleue indigo (qui déteignait sur leur peau) leur a valu le surnom d’"hommes bleus".
Après en avoir été les dominateurs pendant des siècles, ils sont peu à peu devenus les laissés pour compte de la région sahélo-saharienne. Leur farouche insoumission à la colonisation (et à la scolarisation qui y était liée) a paradoxalement défavorisé leur position au moment des indépendances. La désertification et l’urbanisation ainsi que le développement de voie commerciale concurrentes aux leurs ont contribué à renforcer le déclin de leur pouvoir économique. Au Mali, il en résulte un déficit de "développement" important entre les régions du nord qu’ils peuplent historiquement et le reste du pays.
Le Mali dans son ensemble reste globalement très pauvre : il est 175e position du classement du développement humain établi annuellement par le Programme des Nations unies pour le développement.
"Contrairement aux Touaregs du Mali, le peuple touareg dans son ensemble ne veut pas d'Etat indépendant"
Le groupe islamiste armé touareg Ansar Dine (Défenseur de l'Islam) a pris ce lundi le contrôle de la ville de Tombouctou, au Mali, et en a chassé d'autres rebelles touaregs, ceux du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Entre luttes d'influences et terrorisme, les rebelles touaregs placent leurs pions.
Au Mali, les "hommes bleus" se sont emparés du nord du pays et on provoqué indirectement un coup d'Etat. Par deux fois, vous avez pris les armes pour faire entendre la voix des Touaregs, pouvez-vous nous dire quelles sont les revendications des Touaregs ?
Rhissa ag Boula : Depuis les années 1990, les Touaregs veulent être pris en compte dans la conduite des affaires de l’Etat et dans le système économique. Depuis les années 1960 et les indépendances, ce peuple nomade a été en marge de toutes les décisions nationales des Etats concernés (Mali, Algérie, Niger, etc.). Les Touaregs veulent juste être pris en compte dans un pays sur tous les plans : culturel, économique et politique.
On se rend compte aujourd’hui qu’il y a un groupe de Touaregs au Mali qui rêve d’une indépendance. Ceci n’a pourtant jamais été un souhait de l’ensemble des Touaregs. Il ne faut pas que les Touaregs soient indépendantistes même si l’idée d’un pays Touareg a été caressée à l’époque coloniale. Au moment des indépendances, certains chefs Touaregs avaient aussi exigé –en vain– de ne pas être rattachés aux pays qui devenaient indépendants comme le Mali et le Niger. Mais cela s'était alors arrêté là.
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