Peeters a imposé son “non” à Di Rupo en l’absence de Leterme. Le parti est divisé.
Y a du claquage dans l’air. Alors que le CD&V a proféré un "oui mais non" en guise de réponse à la note du formateur Di Rupo, il apparaît que les démocrates-chrétiens flamands sont écartelés entre les partisans d’une entrée en négociation sans la N-VA et les tenants d’une ligne communautaire radicale.L’élastique orange va-t-il claquer ?
Rétroactes. Nous sommes jeudi matin, le 7 juillet, et le G4, l’organe informel qui prend toutes les décisions stratégiques du parti, s’est réuni jeudi matin. Il y a là outre le président Wouter Beke, le Premier ministre Yves Leterme, le ministre de Affaires étrangères Steven Vanackere et le ministre-Président flamand Kris Peeters. Une analyse du document de Di Rupo a été effectuée mais, à ce stade, personne n’a connaissance de la décision de la N-VA. Les nationalistes flamands ont entériné, tard la veille, un "nee" sec au formateur. Les quatre responsables se quittent, donc, plutôt enclins à délivrer un "oui, mais " à Di Rupo. Dring dring, dans l’intervalle, Wouter Beke reçoit des nouvelles de Bart De Wever et de la N-VA. Les nationalistes flamands lui font savoir qu’ils disent "non" à la note du formateur. Les démocrates-chrétiens flamands sont estomaqués : ils avaient pronostiqué un "oui, mais " - formule à laquelle ils se seraient ralliés avec plaisir. Mais la N-VA fait en outre savoir au CD&V qu’elle communiquera son "non" publiquement lors d’une conférence de presse en début d’après-midi. Panique au CD&V - d’autant que les démocrates-chrétiens ont eux-mêmes une conférence de presse sur le coup de midi Le porte-parole du parti l’annule dare-dare via des SMS à toute la presse
Dans la foulée du "G4", un "G20" est alors convoqué. Cet organe informel, plus large, rassemble les ministres fédéraux, régionaux et les chefs de file du CD&V dans les différentes assemblées. L’atmosphère est tendue, Beke a prudemment distillé la nouvelle du "nee" de la N-VA. Et le CD&V ne sait plus sur quel pied danser. Un homme prend alors clairement le leadership : Kris Peeters. C’est que le Premier ministre Leterme et son collègue Vanackere n’assistent pas à cette réunion Ils sont retenus en commission des Affaires étrangères du Parlement. Mais les deux hommes ont été avertis de la position de la N-VA. "Très clairement, souligne un observateur, cela arrangeait bien Leterme de ne pas avoir à assister à cette réunion. Il savait pertinemment bien que Peeters allait suivre la N-VA et se battre contre la note Di Rupo. C’était très pratique pour lui". Et effectivement, Peeters lance un plaidoyer pour le non. Cette note dit-il, "fera payer 2,8 milliards à la Flandre en 2014 : nous ne pouvons l’accepter". Il est contesté. C’est d’ailleurs une première : plusieurs responsables prennent la parole pour défendre un "oui, mais " à Di Rupo. Mais "pour moi, c’est non !", s’oppose fermement Kris Peeters qui assoit son autorité en l’absence de Leterme. Wouter Beke entérine alors la décision - alambiquée comme seuls les démocrates-chrétiens savent le faire :
"Nous aurions bien dit oui à Di Rupo, mais comme la N-VA dit non, ça ne sert à rien de négocier, nous serions à la merci du FDF"Beke descend alors en quatrième vitesse délivrer ce message aux quelques caméras qui font le pied de grue devant le 89 rue de la loi, le siège du parti. Il parvient à le faire in extremis avant le début de la conférence de presse de Bart De Wever et de la N-VA mais, personne n’est dupe, les démocrates-chrétiens ont bien joué les girouettes.
Aujourd’hui, quelques jours après cet épisode rocambolesque, le CD&V est un parti à terre. Ecartelé entre les partisans d’une ligne proche de la N-VA, comme Kris Peeters, qui jugent qu’il ne faut rien lâcher aux francophones et ceux partisans d’un compromis ou - du moins - d’une entrée en négociation. L’assemblage formé par les tenants d’une entrée en négociation sur base de la note Di Rupo (avec ou sans la N-VA) est hétéroclite : il y a le socle ACW, les vétérans style Mark Eyskens mais, aussi, des éléments flamands radicaux tels que le député Hendrik Bogaert ou le parlementaire régional Eric Van Rompuy. Ceux-là pensent qu’il est suicidaire de rester constamment dans la roue des nationalistes
L’autre rive du parti est occupée par Kris Peeters. Le ministre-président le sait : la N-VA est une menace directe pour son fauteuil en 2014; les nationalistes flamands rêvent de s’emparer de ce poste symbolique et stratégique. Et si Kris Peeters doit faire face à un déficit flamand l’année des élections, la N-VA aura vite fait de lui rappeler que s’il n’avait rien concédé du tout aux francophones, il n’en serait pas là En outre, Peeters reste traumatisé par l’expérience du "dialogue de Communauté à Communauté". En 2008, après avoir largué la N-VA et brisé le cartel, Kris Peeters avait dû reconnaître que son "dialogue" ne menait à rien. "Les francophones nous ont bernés", avait-il dit à l’époque
Et puis, il y a Wouter Beke. Le président de parti n’a plus qu’une seule boussole : celle que lui a confiée le bureau politique - à savoir ne jamais entrer dans un gouvernement sans la N-VA. Loyal, Beke se battra jusqu’à son dernier souffle pour tenir la consigne
Pour l’heure, donc, chez les démocrates-chrétiens, l’élastique est tendu au maximum. Claquera, claquera pas ? "Claquera pas, pronostique un responsable du parti, on en a vu d’autres. Personne n’a encore bouclé ses valises pour partir à la N-VA. Mais c’est dur pour nous. C’est très dur". Un autre : "S’il y a des élections demain, c’est bien simple, pour nous, c’est une catastrophe"
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