dimanche 20 septembre 2015

Comment la Grèce a maquillé ses comptes publics

Elections en Grèce, ce dimanche ....

A cette occasion, Le Figaro, via nous propos les rétroactes de "Comment la Grèce a maquillé ses comptes publics depuis 1997" ....

Les dirigeants grecs ont maquillé leurs comptes publics pour entrer dans l'euro, en 2001. Puis ils ont dissimulé des emprunts, sur les conseils de la banque américaine Goldman Sachs, via des opérations financières risquées, qui ont tourné au fiasco pour le petit État. Retour sur la chute de la Grèce.



Tout avait trop bien commencé. La Grèce est entré dans la zone euro le 1er janvier 2001 avec les félicitations européennes pour ses efforts «admirables et remarquables» en matière de comptes publics. Le pays avait en effet vu chuter son déficit public de 10% en 1995 à... 1,6% en 1999! Certes, la dette publique dépassait les 100% du PIB, mais qu'importe, l'Eurozone (alors à onze pays) était pressée de s'élargir: un tel «bond en avant» garantissait le futur recul de cette dette vers les fameux 60% réglementaires. En bonne élève, la Grèce affiche ensuite des déficits exemplaires, de moins de 2% entre 2000 et 2004.
Sauf que les dés étaient pipés dès le départ. En mars 2004, la droite a pris le pouvoir aux socialistes lancé, à dessein, un audit sur les comptes publics du pays. À la fin de l'été 2004, surgit alors ce que Jean-Claude Trichet - le patron de la BCE à l'époque - a qualifié d'«énorme problème»: en réalité, les déficits publics grecs - en tenant compte de lourdes dépenses militaires et sociales qui avaient été «déplacées» dans la dette - ont atteint 4,1% en 2000, 3,7% en 2001 et 2002, 4,6% en 2003 et allaient vers 5,3% en 2004! Quasiment coup sur coup, l'Europe comprend que la Grèce a aussi «triché» lors de sa période de recrutement dans la zone euro: les déficits s'enfonçaient en fait 6,4% en 1997, 4,1% en 1998 et 3,4% en 1999. Ainsi, la Grèce n'avait-elle jamais respecté les critères européens... En vrai, «tout le monde savait que la Grèce n'était pas assez solide économiquement pour entrer dans l'euro, mais là, c'était officiel, se souvient un économiste. Mais l'Europe avait besoin de la Grèce dans son clan serré de l'euro pour des raisons géopolitiques».

Tragédie euro-grecque, acte II

Les années passent, les gouvernements défilent et ne parviennent pas à mieux lever l'impôt. L'état des finances publiques grecques se détériore inexorablement. Si bien que fin 2009, le gouvernement socialiste de George Papandreou est sur le point de présenter un déficit public de 12,7% et une dette de 112%! En décembre, les agences de notations - Fitch la première -émettent des avis négatifs sur la Grèce. Et dès janvier 2010, le pays est victime d'une féroce attaque spéculative sur les marchés financiers. La dette grecque est vendue soudainement et massivement, les taux d'intérêts grecs explosent, la crise financière se propage à l'Italie, l'Espagne et le Portugal. L'attaque a visé aussi l'euro, qui a brusquement chuté face au dollar. La violence financière contre l'Europe était telle qu'elle était forcément concertée.
En février 2010, le Spiegel puis le New York Times révèlent comment la banque américaine Goldman Sachs a aidé la Grèce à maquiller ses comptes publics depuis 2001. Et participé, avec d'autres grandes banques d'investissements comme JP Morgan et des hedge funds comme le fonds Paulson (du nom de John Paulson, le «sultan des subprimes»), à la chute de la Grèce, que l'Europe a dû prendre sous sa tutelle.

Le deal avec Goldman Sachs qui a tourné au cauchemar

Pour bien comprendre ce qu'il s'est passé, il faut remonter au début des années 2000. La Grèce mandate Goldman Sachs comme banque-conseil pour l'aider à réduire le service de sa dette. Jusque-là, rien d'anormal. Fin 2001, ils se mettent d'accord sur un deal : convertir la dette étrangère de la Grèce en euros, via un «swap de devises». Ce mécanisme financier n'est pas illégal - il a d'ailleurs été utilisé par d'autres pays européens (Italie) avec d'autres grandes banques (JP Morgan). Mais il échappait alors encore aux contrôleurs européens. Plus pernicieux, ce «swap», baptisé Eole (le dieu du vent) a été opéré sur la base d'un taux de change artificiel, qui a permis à la Grèce de recevoir encore plus d'argent frais, qu'elle rembourserait plus tard... avec ses futures recettes de taxes d'aéroports et de recettes de loterie nationale. In fine, l'opération a permis à la Grèce de sortir 2,8 milliards d'euros de dette de ses comptes officiels de 2002. En affichant un taux d'endettement de 103,7% au lieu de 105,3%, la Grèce a pu continuer à emprunter auprès de la BCE, et les Grecs à vivre au-dessus de leurs moyens. Pour sa prestation de conseil, Goldman Sachs a encaissé quelque 600 millions d'euros, selon Bloomberg. Parallèlement, Goldman Sachs a investi dans des «swaps de taux d'intérêt à long terme à taux variables» ou «CDS souverains», comme elle le confirme dans un communiqué. Traduction: la banque achète des produits dérivés basés sur les obligations grecques, qui sont une sorte d'assurance contre la faillite de la Grèce - une manière étonnante de considérer l'avenir de son propre client.
Pas de chance, juste après l'accord, les attentats du 11 septembre ébranlent la planète finance et l'opération tourne au cauchemar pour la Grèce qui renégocie avec Goldman Sachs. En 2002, le CDS est transformé en «swap sur l'inflation dans la zone euro». Le résultat est encore pire. Au final, la banque aura encaissé 5,1 milliards d'euros, soit presque le double du prêt initial.

L'exécution financière de la Grèce

En 2005, la «comptabilité créative» se poursuit. Goldman Sachs vend le deal de 2001 à la National Bank of Greece (ou NBG, la première banque commerciale grecque). Puis, début 2009, ils créent ensemble une société basée à la City, baptisée Titlos. Ce «véhicule de titrisation» va permettre de transformer le swap en obligations à échéance 2039 (de quoi repousser le problème), et ainsi s'en servir comme gage pour de nouveaux emprunts auprès de la BCE. Fin 2009, alors que rien ne va plus en Grèce, Goldman Sachs et le fonds Paulson tentent une ultime proposition, qui aurait permis à la Grèce de décaler dans le temps le poids de la dette sociale grecque. Mais cette fois-ci, Papandréou refuse.
Le défaut grec ne fait plus de doute. Goldman Sachs et ses compères de Wall Street le savent très bien. S'ils ne sont pas responsables de la gestion chaotique des finances publiques grecques, ils n'ont eu aucun état d'âme à accélérer et à profiter de la faillite du pays. Cinq ans après, la Grèce vient de signer son troisième plan d'aide après du FMI, de l'Union européenne et de la BCE.

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