" Voilà comment un communiqué de merde d’un niveau régional vient polluer la politique fédérale "
" Il y a des règles très précises pour reconnaître les calamités, Benoît [Lutegn] peut danser sur sa tête, le Fonds des calamités ne peut rien donner à ses amis agriculteurs " .
Sabine Laruelle :
"Di Antonio ne connaît pas la législation, son parti n’a pas participé aux réunions et le dossier a déjà été accepté par les organisations agricoles."
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"C’était apocalyptique..." " Je n’avais jamais vu cela et pourtant, des conseils, j’en ai vécus..." " Une histoire de fou. C’est énorme ce qui s’est passé ." Vendredi, après le Conseil de cabinet, les ministres commentaient, en "off" l’incroyable réunion qui s’était tenue le matin même, autour d’Elio Di Rupo.
Ce qui a mis le feu aux poudres ? La querelle, que dire, la guerre qui oppose depuis 48 heures la ministre fédérale de l’Agriculture, Sabine Laruelle (MR) et le ministre wallon de l’Agriculture, Carlo Di Antonio (CDH). Sabine Laruelle a proposé une intervention du Fonds des calamités pour la sécheresse qui a frappé la Belgique en 2011. Se conformant aux quatre critères fixés dans la réglementation pour bénéficier de cette indemnisation, elle a proposé de retenir les agriculteurs qui pratiquent la culture de lin, d’épinards et de céréales de printemps dans l’Oostkustpolder, en Flandre.
D’où la grosse colère du cabinet Di Antonio qui, dans un communiqué, demande à la ministre de revoir sa copie. Motif : la sécheresse avait également touché les prairies et les prés de fauche entraînant des pertes économiques sévères pour les éleveurs wallons.
Réplique de Sabine Laruelle : "Di Antonio ne connaît pas la législation, son parti n’a pas participé aux réunions et le dossier a déjà été accepté par les organisations agricoles." Et Sabine Laruelle d’accuser le CDH de faire de la démagogie sur le dos des agriculteurs. Revenons au Conseil. Très vite, le ton monte. Le Premier ministre, Elio Di Rupo, n’est pas en reste. Il dit, texto : " Voilà comment un communiqué de merde d’un niveau régional vient polluer la politique fédérale " On entend voler les mouches.
Pourtant, il faut trouver un accord. Joëlle Milquet cherche à apaiser la tension et à joindre Benoît Lutgen. Pourquoi pas Di Antonio, le ministre qui a envoyé le communiqué "de merde" ?
Un ministre rigole : " Je crois que le ministre Di Antonio rangeait les chaises de son festival, on n’allait quand même pas le déranger pour si peu ! " Carlo Di Antonio n’est pas seulement ministre. Il est aussi responsable du festival de Dour.
Benoît Lutgen rappelle. Di Rupo s’isole pour lui parler. Lutgen n’en démord pas. Il veut que l’indemnisation profite aussi aux agriculteurs wallons. La facture passerait donc de 5 à 50 millions. Impossible. Inacceptable, pour les autres ministres.
Dès lors, les commentaires, plus ou moins audibles, fusent. On accuse Benoît Lutgen de vouloir se balader en héros à la Foire de Libramont, qui débutera dans quelques jours. D’autres sources affirment même que le fameux communiqué " de merde " a, en fait, été rédigé par Benoît Lutgen et envoyé à la presse par l’intermédiaire du cabinet de Carlo Di Antonio, qui a succédé à Benoît Lutgen l’an dernier. Vrai, faux ? "Vrai", s’emporte un ministre. Ce truc ne concerne que les prairies du Luxembourg... A dix jours de la foire de Libramont. D’ailleurs, Sabine Laruelle a essayé de joindre Carlo Di Antonio il y a quelques jours, lequel ne connaissait rien de ce dossier ! "
Elio Di Rupo fait des allers-retours entre la salle du Conseil des ministres et le bureau d’où il appelle Benoît Lutgen. Aucun accord ne semble possible. " Il y a des règles très précises pour reconnaître les calamités, Benoît peut danser sur sa tête, le Fonds des calamités ne peut rien donner à ses amis agriculteurs " .
Dans le contexte budgétaire que l’on connaît, la demande paraît totalement excessive (50 millions) aux yeux des autres ministres. Excessive et illégale. C’est alors que Didier Reynders, dont on connaît l’humour noir et les colères froides, se lance : " Il n’y a aucun problème. Si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord tout de suite sur une intervention de 5 millions du Fonds des calamités, comme Sabine le propose, dès demain, j’enverrai une demande au Premier ministre pour le conclave budgétaire, demande dans laquelle nous demanderons vraiment 50 millions pour les agriculteurs. Cela signifiera donc qu’il n’y aura plus 1 euro pour la sécurité et la justice "
La ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet, comprend le piège, elle qui réclame des moyens supplémentaires pour la police. Repalabres Finalement, le gouvernement se range derrière la proposition initiale de Sabine Laruelle : octroyer 5 millions d’euros, selon les dispositions du Fonds des calamités. Mais la ministre Laruelle promet qu’elle expliquera, dans un courrier aux Régions, les critères qui ont guidé le choix du gouvernement.
Fin du Conseil des ministres ? Que non. Car un autre point, sensible lui aussi, maintient la tension à son plus haut niveau. C’est Johan Vande Lanotte, ministre de l’Economie et de la Mer du Nord, qui revient avec son projet de créer une milice privée afin de protéger des pirates les bateaux belges qui s’aventurent au large de la Somalie. Depuis le début de cette année, cinquante arraisonnements ont déjà eu lieu. Pareilles milices protègent déjà les bateaux luxembourgeois et britanniques. Les Français, qui ont une base à Djibouti, utilisent leur armée sur place. Mais les Belges n’ont que deux frégates disponibles. Impossible et trop coûteux Mais le projet de Vande Lanotte déplaît à la vice-Première ministre PS, Laurette Onkelinx, qui demande des garanties, et aussi voir surtout, à Joëlle Milquet, qui rappelle au passage qu’elle est la ministre de l’Intérieur. Ce genre de projet pourrait donc émaner de son cabinet.
C’en est trop... Vande Lanotte explose à son tour. On l’entend hurler : " Je n’en peux plus." Il annonce, furieux, qu’il retire son projet : " Je n’ai pas envie de faire croire aux marins qu’ils sont protégés alors qu’ils ne le sont pas. Quand on aura un mort sur un bateau, il faudra bien que j’explique pourquoi on n’a pas voulu les protéger ." Il affirme, en effet, qu’avec les conditions réclamées, la protection n’était plus automatique.
Cette fois, le Conseil est bien terminé. La tension est à peine retombée. Un ministre raconte : " Le Conseil devait durer deux heures. Il a débuté à 9h30. On s’est séparé à 13h30. La tension était telle que personne ne voulait aller à la conférence de presse..."
Pourquoi ce coup de sang ? Plusieurs participants évoquent la fatigue, le travail considérable que le gouvernement a dû abattre ces derniers temps, les éternelles rivalités entre MR et CDH, l’amateurisme de certains cabinets
A cela il faut ajouter la discussion, qui commencera dimanche, sur le contrôle budgétaire. Même si l’exercice ne semble pas compliqué, il risque d’y avoir des tensions entre ceux qui réclament de nouveaux moyens et les autres. De plus, la discussion sur le plan de relance est aussi tendue. Et elle risque, finalement, de déboucher sur quelques mesures et un catalogue de bonnes intentions. Puis, il y aura les élections, les communales... Mais avant cela, vive les vacances
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