mardi 10 mai 2011

Un vichyste

François et les excuses de la France à propos de Vichy (1994)
 
"... La France, qui nationalisa en 1981... " via @






Lire aussi:François Mitterrand, grand homme de droite (et de poche)
 Mise en garde : le texte qui suit est long. Fait aggravant, il parle de François Mitterrand, trente ans après un orage parisien qui ne laissa que quelques gouttes sur le pavé
Appelons cela un interlude, entre deux cris contre l’état de notre planète. Mais au fait, les amis, si l’état de notre humanité n’était pas ce qu’il est, en serait-on à ce point de déréliction écologique ? Je m’autorise trois mots sur notre grand homme de poche, François Mitterrand. Il y a trente ans, donc, il remportait l’élection présidentielle au nom du parti socialiste, et promettait de rompre avec le capitalisme. Mais vite, hein ? Il ne fallait pas traîner. Aux oublieux, à ceux qui étaient trop jeunes, je dédie ce court passage tiré d’un document officiel du parti socialiste. Il est consacré à une sorte de congrès tenu à Alfortville (Val-de-Marne) quelques mois avant mai 1981.
Cet extrait fait partie d’un texte écrit en 2006, en une époque bien plus calme pour nos Excellences de gauche, et son ton en est singulièrement adouci. Voici : « Divisé en trois parties – comprendre, vouloir, agir – le projet socialiste doit orienter l’action des socialistes pour les années 80. Rupture avec le capitalisme et stratégie d’union de la gauche, volonté de s’affranchir de la logique du marché et des contraintes extérieures, affirmation de la souveraineté nationale face au processus d’intégration européenne et à la puissance américaine, le texte soumis aux militants est marqué par le volontarisme politique et économique ; il réunit 96 % des suffrages ». En 1980, les mots réellement prononcés étaient de feu. Il s’agissait de faire rendre gorge aux capitalistes, rien de moins.

10 mai 1981 : Mitterrand élu président de la République
Article publié dans Lutte Ouvrière n°1713 du 11 mai 2001
Il y a 20 ans - 10 mai 1981 Mitterrand élu président de la République : la réussite du plan de carrière d’un politicien de droite reconverti
L’élection de Mitterrand à la présidence de la République le 10 mai 1981 fut l’aboutissement d’un plan de carrière savamment mis en place par un politicien habile qui, dès l’élection présidentielle de 1965, et même dès 1958, avait parié sur l’alternance, se posant comme le rival de De Gaulle.
La dernière fois que la gauche en France était sortie majoritaire d’une élection avait été en 1956. Le chef du gouvernement socialiste, Guy Mollet, avait alors été à l’initiative d’une politique que la droite n’aurait pas reniée.
Mais depuis le retour de De Gaulle au gouvernement en 1958, le pays n’avait connu que des gouvernements et des majorités parlementaires de droite. Mais en mai 1981, Mitterrand n’avait rien d’un homme neuf ni d’un homme de gauche, c’était le moins que l’on puisse dire.


Une carrière de ministre
Mitterrand avait été ministre de très nombreux gouvernements de la Quatrième République : des gouvernements de guerre froide et de guerres coloniales, en Indochine d’abord, en Algérie ensuite ; des gouvernements qui firent front aux grèves ouvrières des années Cinquante, n’hésitant pas à envoyer les forces de police contre les piquets de grève et les manifestations. S’opposant à de Gaulle, Mitterrand se présenta contre lui aux élections présidentielles de 1965. Pour ses seules qualités «d’opposant résolu au pouvoir personnel», comme le disait Waldeck-Rochet, secrétaire général du PCF d’alors, Mitterrand, qui se présentait comme un homme qui n’était lié par rien et par personne, reçut alors l’appui des débris du Parti Radical, du Parti Socialiste et surtout le ralliement inconditionnel et sans contreparties du Parti Communiste, qui voyait là l’occasion de réintégrer le jeu politique des partis parlementaires bourgeois et, pourquoi pas, un jour le gouvernement.
C’est alors que Mitterrand endossa l’uniforme d’homme providentiel de la gauche. Pour l’y aider le Parti Communiste le premier n’épargna pas sa peine pour convaincre toute une génération de ses militants, ses électeurs et tous les travailleurs qui ne pouvaient ignorer le passé.
Main basse sur le Parti Socialiste
Une nouvelle étape dans ce plan de carrière ne tarda pas à s’offrir à lui. En 1971 le vieux Parti Socialiste, SFIO, convoqua un congrès extraordinaire à Epinay et proclama un nouveau Parti Socialiste en absorbant au passage quelques petites formations de gauche. Mitterrand fut le maître d’œuvre de ce tour de passe-passe politicien, mené comme une véritable OPA. Il disposait maintenant d’un appareil politique dont il définit immédiatement et sans détour les objectifs : «Un mouvement politique apte à équilibrer d’abord, à dominer ensuite le PC, et à détenir par la suite une vocation majoritaire». Cela, c’était pour son public traditionnel. Pour les militants, les électeurs de gauche et les travailleurs il entonnait une tout autre chanson : «Réforme ou révolution ? J’ai envie de dire... oui, révolution... Violente ou pacifique ? La révolution c’est d’abord une rupture... Celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi... ne peut être adhérent au PS».
Le Parti Socialiste signa en 1972 un accord sur un programme commun de gouvernement avec le PCF. Ce programme promettait l’abandon de la force de frappe nucléaire, la réduction de la durée du service militaire, l’abolition de la peine de mort, des élections à la proportionnelle et quelques nationalisations. Les radicaux de gauche signèrent ce programme à leur tour. Preuve s’il en était besoin qu’il n’y avait là rien de bien effrayant pour des politiciens et la bourgeoisie qu’ils servaient. Aux élections présidentielles de 1974, il fut à nouveau candidat «unique», et non «commun», de la gauche, afin de bien montrer qu’il n’était nullement engagé par des alliés qu’il ne considérait que comme des soutiens. Cette fois-là, Mitterrand ne fut pas élu. Il ne le fut qu’à sa troisième tentative, le 10 mai 1981.
Marginaliser le PCF
Aux élections législatives du mois de juin suivant, le PS obtenait, avec 269 sièges, la majorité absolue au Parlement. Le PC avec 44 députés pour 16,17 % des voix au premier tour perdait 42 sièges. Surtout, Mitterrand et le PS n’avaient pas besoin de son apport pour garder la majorité ni de lui pour gouverner. Mitterrand atteignait son objectif : minorer et marginaliser le PCF. Ce qui politiquement lui permit d’octroyer quatre strapontins au PCF, une façon de le piéger en en faisant la caution d’une politique antiouvrière.
Entre le 10 mai et les élections législatives du mois de juin, le SMIC était relevé de 10 %. Les prestations sociales suivirent. Ce n’était qu’un coup de pouce, qui électoralement pouvait rapporter gros sans coûter bien cher aux patrons, qui se virent gratifiés de toute une série de dégrèvements fiscaux. Ce geste destiné aux travailleurs fut d’ailleurs le dernier. Les actionnaires, y compris les gros, des entreprises et des banques nationalisées furent copieusement indemnisés. Cet argent frais leur permit de spéculer en Bourse. Ce fut le début, comme l’a dit Bérégovoy, de «la réconciliation du socialisme avec la Bourse». En septembre 1981, ce fut l’instauration du forfait hospitalier. L’horaire légal de la semaine fut diminué d’une heure, que les patrons d’ailleurs ne furent pas obligés de payer, tout en leur permettant d’introduire déjà la flexibilité. En juin 1982 les salaires furent bloqués. Un an ne s’était pas passé que Mitterrand et son gouvernement avaient montré leur vrai visage et quel usage ils faisaient de leurs maigres promesses. Dans les années qui suivirent, on devait connaître les vagues de licenciements dans la sidérurgie et dans l’automobile. Le chômage passait le cap des trois millions et le niveau de vie des travailleurs n’allait cesser de baisser.
Le Parti Communiste s’accrocha à ses maroquins ministériels jusqu’en juillet 1984. Il en sortit encore plus diminué sur le plan électoral et sur le plan militant. Plus dommageable, la classe ouvrière dans son ensemble a payé les conséquences de cette politique, sur le plan matériel d’abord et sur le plan moral ensuite. Une nouvelle période politique a été ouverte le 10 mai 1981 par le retour de cette gauche au pouvoir, qui n’apparaît de gauche (et encore, de façon bien timorée) que lorsqu’elle est dans l’opposition.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire