La scène est surréaliste : un jeune homme se dresse face à des chars. Cette image a fait le tour du monde. Et est devenue le symbole des événements de l’écrasement du « printemps de Pékin », de mai-juin 1989 en Chine. Les étudiants manifestaient pour plus de démocratie. Le parti communiste a envoyé des chars. La répression a fait plusieurs centaines voire milliers de morts.
Aujourd’hui, on célèbre les 25 ans de cette photo de l’« Homme au tank », prise le 5 juin 1989. Un cliché historique dont vous ne connaissez peut-être pas tous les secrets.

1. Quatre photos pour une même scène

Combien de journalistes étaient postés au balcon de l’hôtel de la place Tiananmen ? Au moins quatre : Charlie Cole (magazine Newsweek), Stuart Franklin (agence Magnum), Jeff Widener (Associated Press) et Arthur Tsang Hin Wah (pour Reuters). Même si la qualité, les couleurs et le plan plus ou moins large varient selon l’image, la scène photographiée est la même. Les quatre hommes ont raconté au New York Times comment ils avaient vécu ce moment. Charlie Cole estimant par exemple que l’homme « a fait l’image. J’étais juste un des photographes. Et j’ai ressenti l’honneur d’être ici. »
Voir la scène en vidéo.
A voir 30 photos qui reviennent sur les événements de 1989.

2. Une photo « ratée »

Des quatre photos, c’est clairement celle du journaliste d’Associated Press qui a été la plus reprise. Cette dernière, affichée en première page de son site internet, a fait la renommée de ce photographe. Le cliché lui a valu de recevoir plusieurs prix internationaux, et surtout d’être finaliste pour le Prix Pulitzer en 1990.
Pourtant, lorsqu’il décrit la scène, Widener ne s’imaginait pas prendre ce cliché : «  Perfectionniste que je suis, j’attendais le parfait moment pour déclencher. Soudainement, un garçon arrive en courant…  » Là, au moment de dégainer, Widener lâche : «  Mince ! Cet homme (en face des chars) va ruiner ma composition  ! » Pas tant ruinée que cela finalement.
Récemment contacté par l’AFP, le photographe avouait avoir un temps développé «  une relation d’amour-haine  » avec sa propre photo. «  Fi nalement, j’ai accepté la place qu’avait prise ‘Tank Man’ dans ma vie. Il m’arrive de me demander ce qui lui est arrivé.  »

3. L’homme au tank n’a jamais été identifié

Après la tombe du soldat inconnu, une tombe pour l’homme inconnu du tank ? Encore faudrait-il être certain que ce dernier soit décédé. Seulement, de ce symbole, on ne connaît rien. Hu Jia, célèbre dissident chinois a pourtant tenté de retrouver sa trace : «  J’ai suivi toutes les pistes, sans parvenir plus loin que quelques photos et vidéos. J’ai cherché des témoins dans la rue, en vain. J’ai même demandé à des amis à l’état-major de l’armée à Shenyang de m’aider à localiser le pilote du premier char. »
En 1990, la journaliste américaine Barbara Walters avait demandé de ses nouvelles au numéro 1 chinois de l’époque, Jiang Zemin. Sans succès.

4. Une place immense

44 hectares. La superficie de Tiananmen est comparable à celle... de l’Etat du Vatican  ! Un million de personnes peuvent se rassembler sur la « Place de la Porte de la Paix Céleste », l’une des plus grandes places urbaines au monde.
C’est également sur cette place que, le 1er octobre 1949, Mao Zedong a proclamé, devant une foule immense, l’instauration de la République populaire de Chine.

5. La place fait toujours l’actualité

Encore hautement symbolique, la place a été le théâtre d’un attentat à la voiture piégée faisant 5 morts et 38 blessés, en octobre dernier. La minorité Ouïgours, peuple autochtone du Xinjiang, turcophone et de religion musulmane, était suspectée.
Et plus récemment encore, Pékin a évoqué une «  situation d’urgence  » là-bas face à la recrudescence des immolations publiques.