mardi 19 mars 2013

@davanac, un grand monsieur de la belgosphère


http://www.davanac.me/
Bonjour Damien, tu es mon "parrain" de la blogosphère et très certainement de twitter. Tu as beaucoup fait pour une avancée de l’usage de ces médias ainsi que d'autres "nouvelles e-technologies" en Belgique pour les particuliers mais aussi pour les professionnels de l'information; je sais que tu disposes de peu de temps; pourrais-tu partager avec nous les moments forts de ton parcours ?


[Entretien]
DV : Bonjour cher Phinéas ! Merci de me donner la parole. Qu'est-ce que je peux dire de mon parcours ?

C'est toujours un peu compliqué de dresser un portrait de soi-même.
Je prends du plaisir à expérimenter des marges de communication qui ont un peu de sens, des conversations qui ont du sens.

J'ai changé mille fois de baseline, de ligne éditoriale, de manière de décrire ce que je faisais même si je pense que depuis 10, 12, 15 ans maintenant j'ai le regard tourné toujours dans la même direction et sur la même ligne d'horizon qui est celle de trouver des usages aux nouvelles technologies, dont j'ai un vrai plaisir à comprendre la mécanique pour apporter quelque chose en plus, pour essayer de faire en sorte (c'est peut-être très prétentieux de le dire comme cela, mais) de tirer les gens vers le haut; d'apporter quelque chose, de nourrir la réflexion, de nourrir la conversation en apportant des éléments de compréhension du monde dans lequel on vit – pour moi d'abord, pour me sentir moi bien informé, ce qui est non négligeable, et ce qui ne veut pas dire non plus que çà doit être sérieux tout le temps (que du contraire), et puis de ne pas garder cela pour moi, parce que sinon çà n'aurait aucun sens.

Je pense que quand on fait ce métier, peu importe le nom qu'on lui donne et c'est de réussir à partager les choses, parce que c'est là que les choses ont le plus de valeur. Quand on ne les garde que pour soi quand on ne fait que prendre de l'information sans jamais en distribuer, on ne fait pas partie du réseau.
Or la vie est un réseau
Le numérique a bouleversé çà. On n'a pas attendu le numérique pour avoir des effets des réseaux, que du contraire... ,  l'accélération du numérique interconnecte les gens de plus en plus fréquemment, de plus en plus rapidement, de manière de plus en plus latente.


On est "pervasé" en permanence des réseaux et faire partie des réseaux c'est prendre de l'information et en redistribuer. Si on ne fait que prendre de l'information, on est un cul-de-sac. On n'est pas une synapse dans l'écosystème.

C'est un peu ma baseline à l'heure d'aujourd'hui, mais qui est je pense la même depuis très longtemps et s'il y a bien une chose qu'on apprend à force d'interagir avec les gens c'est qu'on ne sait pas grand-chose.
Le vide abyssal de la connaissance à l'échelle d'un être humain peut se mesurer tous les jours quand on ouvre un agrégateur RSS ou quand on se met sur ses listes #Twitter.

On a beau apprendre beaucoup de choses, on a beau lire beaucoup de choses, plus on en apprend plus on se rend compte qu'il y en a beaucoup à apprendre et qu'il y a d'autres gens dans le monde qui ont fait bien plus de choses qui en connaissent bien plus que nous qu'ils sont capables de faire dans l'action bien plus que nous.
Je ne sais pas si çà illustre bien ma démarche; une forme d'humilité, je pense que c'est sain, c'est même obligatoire, c'est peut être aussi là que les journalistes ont un peu de chemin à faire dans la manière dans laquelle ils perçoivent leur métier et le vivent au quotidien. Il y a autant de journalistes qu'il y a de journalismes et il y a autant de manière de communiquer qu'il y a de communicants.

Mais ce sont des choses qui sont en mouvement. C'est çà l'intérêt, c'est qu'il n'y a rien de figé, tout çà évolue, tout çà bouge, c'est très organique en fait et avec un darwinisme assez sauvage.

Après ce sont des outils et les outils on est bien obligé de mettre les outils au service d'une démarche de communication. J'aime bien prendre cette image du marteau qui permet d'un côté de construire des baraques mais aussi de tuer sa femme, tout dépend de l'usage qu'on en fait.


Et si on reviens un peu sur ton parcours?

DV : C'est vrai que ces dernières années j'ai beaucoup été en France à Paris et un peu partout ailleurs pour accompagner des rédactions; accompagner des gens surtout, accompagner des individus qui avaient compris.
L'intérêt c'était de s'approprier ces outils.
C'était passionnant comme démarche. J'ai adoré faire çà. C'est usant sur le long terme parce qu'on donne beaucoup.
En tout cas moi j'ai toujours considéré que chaque fois que je me retrouvais avec des gens qui avaient envie je ne comptais pas mon temps ni mon énergie. c'est çà peut être qui a fait que des gens embrayent dans la démarche que je leur propose, dans la dynamique surtout, parce qu'au-delà des outils, c'est surtout çà qui me semble intéressant, c'est la dynamique qui est importante.

J'ai travaillé un an chez OWNI, qui était une des très très chouettes expériences que j'ai pu vivre un peu folle, un peu décalée, complètement même décalée où j'ai appris plein de choses, où j'ai rencontré des gens biens.
Humainement parlant, c'était très fort de vivre tout cela.
J'ai appris plein de trucs, plein de bonnes pratiques et aussi toute une série de "worse" practices que j'ai retenues que j'ai emmagasinées que j'essaye de reproduire ou de ne pas reproduire, selon les cas.

C'est vrai que le fait de pouvoir avoir un pied dans la réalité du quotidien, de la vie quotidienne dans les rédactions et puis tu pourras retransmettre çà avec des étudiants,  c'est un bon mix.

Je continue d'essayer de le maintenir. Ce que je fais avec mes étudiants de l'IHECS, ce sont tout plein de choses les plus passionnantes que je peux faire. C'est d'être avec ces jeunes qui veulent faire leur métier, qui veulent essayer de vivre de çà et c'est pas facile. On est censé les préparer à des métiers qui n'existent pas encore.

Le monde de l'éducation tout comme le monde de la politique tout comme le monde de la justice, tout comme le monde en général est impacté par les dynamiques du numérique et ce sont des dynamiques qui sont dé-structurantes, qui segmentent et qui atomisent des processus pour les reconstruire autrement par après. Mais ce n'est pas facile d'être dans cette dynamique-là. Ce n'est pas facile mais c'est passionnant, si c'était facile ce ne serait pas marrant.

Le mix entre la réalité de l'entreprise, la réalité de l'éducation et de la pédagogie, puisque je ne me considère pas comme un prof, mais plutôt comme quelqu'un qui accompagne et qui partage ces expériences. J'essaie de n'être pas que et surtout pas qu'un penseur parce qu'il y a des gens bien plus malins que moi qui théorisent tout cela.
J'essaie de m'approprier ces réflexions-là par de la lecture, un enseignement, un enrichissement personnel quotidien et puis j'essaie surtout de le mettre en pratique avec plein d'écueils, plein de choses qui ne marchent pas  ...  mais ce n'est pas grave çà n'a aucun intérêt et notamment avec NEST'up qui est là aussi une expérience humaine et économique particulièrement intéressante.

Cela fait plus d'un an et demi que l'on a commencé à bosser maintenant là-dessus et avec les autres co-fondateurs. C'est vrai qu' Olivier Verbeke était vraiment la cheville ouvrière et j'essaie d'apporter tout ce que je peux apporter autour de çà mais là je suis à la croisée des chemins vraiment.
La création de valeur, la création de sens, la création d'emplois la création d'un écosystème c'est très excitant de participer à çà.
C'est une certaine responsabilité donc il ne faut pas déconner – voilà, j'ai 35 balais, donc c'est gai de faire çà. C'est chronophage, il faut trouver de la place pour les proches aussi.
Il faut équilibrer une vie de famille autant que faire se peut avec ces passions-là, mais c'est toujours une question de curseur. Mais c'est çà qui est passionnant, il n'y a rien qui est figé et je parlais de mes socles et des cours, ce que l'on a pu faire la semaine dernière, enfin samedi dernier j'ai amené mes étudiants de ma seule classe, qui avaient réussi à co-founder leurs projets dans NEST'up, là je sens qu'il y a quelque chose, là il y a de la magie – un peu brut de décoffrage mais on va continuer à creuser çà, très clairement.


Et ton expérience à la RTBF ?

DV : On a peut-être eu l'occasion à la RTBF de mettre en place des choses tôt, de tester aussi à l'échelle d'un media établi – d'une grosse boite en terme de volume et du nombre de personnes en terme d'importance on a pu tester des dynamiques qui ont fonctionné en faisant confiance aux gens et en ne forçant personne à embrayer, c'était çà qui était passionnant.
Ce sont des dynamiques qui sont encore à l'œuvre aujourd'hui et je n'ai gardé que de bons souvenirs à la RTBF et de bonnes/de belles rencontres avec des gens que je continue à fréquenter régulièrement – et pas qu'à la RTBF mais tous les media par où j'ai  pu passer.

C'est très très gai de pouvoir continuer à échanger à partager à raconter des choses qui ont du sens dans ma démarche, dans leur démarche aussi je pense, parce que on court tous j'espère après la même chose.


Le nouveau media twitter ... et demain, comment les vois-tu ?

DV :  Je n'en sais fichtre rien – çà évolue à une vitesse tellement grande et avec des enjeux qui nous dépassent nous, même en tant que producteurs de contenus. Twitter a d'énormes ambitions sur l'information -de manière générale mais pas que – il y a quand même des choses qui sont assez surprenantes – enfin surprenantes non il fallait s'y attendre- mais en matière de cloisonnement du web, facebook qui fait des deals avec des opérateurs téléphoniques pour que le chat sur Facebook ne coûte pas trop cher et donc ne soit pas comptabilisé dans les data: là c'est la porte ouverte à des choses qui moi ne me plaisent pas, et twitter est je pense dans la même veine – les grands opérateurs téléphoniques ont tout intérêt évidemment à privatiser le web, à supprimer tout simplement la neutralité du tuyau et çà c'est dangereux pour la démocratie d'une manière générale.
Après la démocratie, on voit ce que çà donne en Italie, peut-être que la démocratie n'est plus du tout adaptée – la démocratie telle qu'on l'entend jusqu'à présent, représentative. Elle n'est peut-être plus adaptée au 21è siècle et aux individus interconnectés en permanence.

Ce qui se passe avec Bepe Grillo est fichtrement passionnant et je pense que l'on n'a pas fini d'en digérer les conséquences. On peut penser ce qu'on veut du bonhomme et de son programme ou de son non-programme ou de la manière dont il fait du populisme. J'ai beaucoup aimé l'émission #Connections sur la 1ère sur le sujet. Je m'attendais à une réflexion beaucoup plus approfondie de ce qui vient de se passer là et "c'est quoi le populisme" en fait.

Je pense que le numérique va accélérer certains processus – maintenant en matière de politique – et que si on a vu des acteurs qui étaient bien établis dans des grandes industries au cours des années précédentes s'en prendre plein la tronche -parce que pas capables de se renouveler-, je subodore qu'en termes politiques les changements à venir vont vraiment en bousculer plus d'un et que les systèmes n'aiment pas être confrontés à leurs propres errements, alors quand des dynamiques disruptives viennent empêcher le système de fonctionner comme il fonctionnait, parfois çà donne des étincelles. Çà va être passionnant de l'observer, de le voir, d'être partie prenante puisque qu'on le veuille ou non on ne peut pas observer un phénomène sans 'influencer – mais çà va être passionnant de vivre cette époque-là !

Grand merci, Damien, pour ce partage ...
A bientôt ! ;-)

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