jeudi 23 août 2012

Pourquoi l'exil fiscal est une souffrance

Nostalgie de la patrie

Car la vie d'exilé fiscal n'est pas forcément une sinécure. En particulier pour ceux qui n'arrivent pas à couper le cordon ombilical. Dans ce cas, tous les moyens sont bons pour contourner la loi qui oblige à passer moins de cent quatre-vingt-deux jours par an dans l'Hexagone. Le fisc français ne laisse plus rien passer, épluchant les conditions de résidence et le détail des voyages. Et gare à celui qui vient se faire soigner en France. Il y a désormais une police fiscale, sous tutelle conjointe des ministères de l'Economie et de l'Intérieur, qui a de gros moyens d'investigation sur les billets d'avion et de train, l'utilisation des cartes de crédit, la localisation des téléphones portables. "Méfiance, car pour les comptes non déclarés comme pour les faux exilés fiscaux, l'information circule, de façon légale ou illégale", explique à ses clients un conseiller de la banque Neuflize spécialisé dans ce domaine.

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Comment Hollande va taxer les résidents belges - 10/05/2012
Le Président veut changer la fiscalité sur les 2es résidences. C’est surtout en cas de revente que l’ardoise s’alourdit. Plus de 100 000 Belges sont concernés.
Depuis l’élection de François Hollande à la présidence française, le soleil provençal, la houle bretonne ou la neige de Mégève risquent d’être un peu plus chers pour les nombreux Belges qui possèdent une seconde résidence outre-Quiévrain. Et si l’on en croit plusieurs estimations, ils sont plus de 100 000 Belges à avoir choisi d’investir dans la brique française. Soit la troisième nationalité, hors française, la plus active sur le marché immobilier hexagonal après les Anglais et les Italiens.
A ce titre, les détenteurs de ces maisons et autres appartements sont donc considérés comme "résidents belges en France". "Un résident belge est quelqu’un qui est domicilié en Belgique, y réside plus de 6 mois, et y paie ses impôts", nous rappelle Bertrand Marot, responsable du pôle "Le Comptoir des français" chez Petercam. Reste que certaines taxes vont également dans la poche de l’Etat français. Et elles risquent de s’alourdir après l’accession de François Hollande au pouvoir, d’après Petercam.
Deux réformes fiscales promises par le socialiste français durant sa campagne auront un impact sur le portefeuille des résidents belges : celle sur l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) pour les plus riches d’entre eux et celle concernant l’imposition sur la plus-value de vente (ou cession) d’un bien.
A la demande de "La Libre", Petercam a ainsi examiné un cas fictif "mais totalement réaliste " : celui de M. Vandenbroeck, résident belge, marié, sans enfant, et qui a hérité d’une maison familiale située dans le sud de la France en 1988. Profitant d’un marché immobilier très favorable, sa maison est désormais valorisée à 2 millions d’euros, un type de plus-value qui n’a " rien d’exceptionnel" dans le sud de la France, estime la fiscaliste Charlotte Dimiez de chez Petercam. Avec l’arrivée de François Hollande au pouvoir, M. Vandenbroeck va devoir, selon la société de Bourse, y aller de sa poche.

1ISF. Même si M. Vandenbroeck n’a jamais travaillé en France et ne compte pas le faire, il va devoir s’acquitter, chaque année, de l’Impôt de solidarité sur la fortune, car son patrimoine français (à savoir sa maison dans le Sud) est supérieur à 1,3 million d’euros.
"L’ISF est un impôt sur le patrimoine, le capital, qui n’existe pas du tout en Belgique, explique Charlotte Dimiez. La France est l’un des rares pays à l’appliquer. Pour les résidents français, l’imposition est même applicable sur leur patrimoine mondial." Et même si M. Vandenbroeck paie ses impôts sur le revenu en Belgique, il devra envoyer chaque année un chèque avant le 15 juillet au fisc français. Or, si M. Sarkozy avait allégé et simplifié cet impôt en le réduisant à deux tranches (0,25 % et 0,5 %), M. Hollande a annoncé haut et fort qu’il reviendrait, cet été, sitôt élu, à l’ancien régime, plus compliqué et surtout plus "taxatoire". Résultats ? M. Vandenbroeck payait 5 000 euros (0,25 % de 2 millions) d’ISF par an sous l’ère de Sarkozy ; il paiera, selon Petercam, 7 980 euros par an avec François Hollande comme Président. Soit une différence de 2 980 euros par an.

2Plus-values immobilières. M. Vandenbroeck en a marre du soleil provençal et a craqué pour un apartement sur la côte picarde. Il met en vente son bien pour la modique somme de 2 millions d’euros. En déduisant les travaux qu’il a engagés, il se prépare à engranger une belle plus-value brute de 1,425 million d’euros. Et elle aurait été telle si M. Vandenbroeck avait eu la bonne idée de vendre sa maison provençale avant février : le Belge aurait été exonéré d’impôt sur la plus-value puisqu’il possède sa maison depuis plus de 15 ans. Mais depuis février, le délai d’exonération a été rallongé par Nicolas Sarkozy et est passé à 30 ans. Du coup, si M. Vandenbroeck a vendu sa maison (qu’il possède depuis 23 ans et pour laquelle il dispose tout de même d’un abattemment progressif) en avril, il aura payé un impôt de 148 020 euros sur sa plus-value totale. Mais ce sera toujours plus avantageux que d’attendre que les mesures prévues par le nouveau président François Hollande se mettent en route. Dans ce cas-là, il paiera, selon les calculs de la société Petercam, 301 965 euros, soit près du double que sous l’époque du président UMP. Explications:
"M. Hollande a prévu de supprimer toute imposition au taux forfaitaire pour soumettre tous les revenus au même régime que les revenus du travail, à savoir le barème progressif de l’impôt sur le revenu ", poursuit Charlotte Dimiez. Or si, jusqu’ici, l’imposition forfaitaire sur une plus-value était de 19 % pour les résidents belges (32,5 % pour les Français qui paient également des contributions sociales), elles pourraient atteindre, avec cet impôt progressif, une tranche de 45 % pour la part des revenus excédant 150 000 euros. Reste que d’aucuns, comme Alain Lacourt, spécialisé en fiscalité du patrimoine, sont moins affirmatifs sur ce délai d’exonération de 30 ans et affirment que François Hollande pourrait, s’il augmente le taux d’imposition, revenir néanmoins aux règles qui prévalaient jusqu’en 2003. Avant cette date, le délai était de 22 ans (abattement de 5 % par an au-delà de la deuxième année). Dans ce cas, l’impôt de M. Vandenbroeck sur sa plus-value serait... nul. "D’aucuns en parlent. Mais ce dernier point sur le délai ne se trouve nulle part dans le programme de M. Hollande", affirme M. Marot. Il n’est, en tous cas, pas dans le livret des 60 priorités que l’élu socialiste a distribué un peu partout en France.
Au contraire, l’ISF et le barême progressif le sont des priorités pour le socialiste, d’après Charlotte Dimiez. " M.Hollande a besoin d’une majorité à l’assemblée pour pouvoir mettre en place ces mesures. Mais s’il l’obtient, elles seront applicables au plus tard l’année prochaine. Il en a parlé durant toute sa campagne et ce serait très étonnant qu’il ne fasse rien là-dessus."

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