lundi 19 novembre 2012

"Je n'ai jamais été banquier"

Maurice Lippens, interrogé par les enquêteurs de la police judiciaire fédérale, semble nier toute part de responsabilité dans la débâcle qui, en octobre 2008, a débouché sur le démantèlement de Fortis:
" Si le président non exécutif n’était pas au courant d’une série de situations à l’intérieur et à l’extérieur de Fortis, c’était surtout parce que je n’étais pas informé par les personnes qui avaient la responsabilité de le faire. Il s’agit principalement de MM. Votron, Mittler, Verwilst et Dierckx ".

" M. Votron était un patron extrêmement agressif, il ne tolérait pas que l’on se plaigne auprès de moi de quoi que ce soit ".

" Je n’ai jamais été banquier et ma compréhension de ces matières est relativement superficielle".


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" Dexia n'est pas une 'bad bank' "


Après l'injection de 5,5 milliards d'euros en capital, Dexia est-elle définitivement tirée d'affaire ? «Dans l'état actuel des choses, il y a une chance raisonnable pour que 5,5 milliards d'euros suffisent. Mais personne ne peut prédire l'avenir», répond le PDG Karel De Boeck, qui projette de faire sortir la banque résiduelle du rouge d'ici 2018.

L'ancien dirigeant de Fortis nous reçoit dans les nouveaux bureaux de Dexia, place du Champ de Mars (Bruxelles, porte de Namur ). Dexia y loue deux étages de la tour Bastion, une surface suffisante pour y loger la centaine de personnes que compte encore Dexia en Belgique. Par rapport au temps où, il y a quelques années à peine, la tour Dexia illuminée, place Rogier, était un phare dans le ciel bruxellois, le contraste est saisissant. Mais les années de gloire, de volonté de briller et de folie des grandeurs sont révolues. Karel De Boeck approuve.

TRENDS-TENDANCES. La question que tout le monde se pose : ces 5,5 milliards d'euros suffiront-ils ? Est-ce la dernière fois que le gouvernement doit accourir au chevet de Dexia ?

KAREL DE BOECK.
C'est une question légitime. Mais je voudrais néanmoins commencer par expliquer comment nous sommes arrivés à ce montant. Lorsque je lis la presse, c'est comme si ce chiffre était tombé du ciel, après bien des marchandages. Je peux l'assurer : c'est le résultat d'un calcul précis. Il n'est pas vrai que Dexia échappe à tout contrôle démocratique. Au contraire, tout s'est passé en concertation avec les principaux actionnaires, les banques nationales, les ministères des Finances, les cabinets ministériels, les régulateurs, la Commission européenne, la BCE. Ces parties ont souvent leurs propres conseilleurs juridiques et financiers, qui n'ont pas manqué de se pencher sur le dossier.

Koen Schoors, professeur à l'Université de Gand, estime que dans trois ans, vous aurez à nouveau besoin de capital frais.

Nous soumettons à l'Europe un plan raisonnable, qui s'appuie sur un certain nombre d'hypothèses et de paramètres. Si ces paramètres restent inchangés, l'injection de capital de 5,5 milliards d'euros suffira ad vitam aeternam. Mais nous savons tous que la situation des marchés financiers n'est pas statique. Les circonstances peuvent changer, en notre faveur comme en notre défaveur. En réalité donc, personne ne peut affirmer aujourd'hui si cette augmentation de capital suffira ou non. Personne ne peut prédire l'avenir.


Quelles sont les principales menaces pour Dexia ?

Une nouvelle baisse des taux à long terme ne serait pas une bonne chose pour nous. Dans le passé, Dexia s'est surtout assuré une couverture contre une hausse de ces taux, ce qui fait que nos swaps actuels ont perdu en valeur. C'est pour cela que nous devons pour l'instant provisionner 34 milliards d'euros en cash collateral. Chaque fois que les taux perdent 10 points de base, nous devons gager environ 1 milliard d'euros supplémentaire. C'est pour cela que j'espère pouvoir, à terme, remplacer ce cash collateral, en tout ou en partie, par une garantie d'Etat, avec un plafond de 85 milliards. Cela améliorerait fortement les liquidités de Dexia, qui devrait donc moins emprunter. Pour le moment, cela pose un problème pratique, parce que la France ne peut pas détenir ses propres titres de créance.»


«Par ailleurs, nous devons espérer qu'il n'y ait pas d'approfondissement de la crise de la zone euro, qui pourrait abaisser les notes de crédit. La baisse de crédibilité de nos actifs ou de nos créanciers élargirait nos pertes et nous ferait plus rapidement 'manger' notre capital. Même si nos propres ratings - Dexia ou DCL - baissent du même coup, nos coûts de financement augmenteront, ce qui alourdira nos dettes.


Vous avez participé aux assemblées générales agitées des actionnaires de Fortis. Vous attendez-vous à de pareils remous le 21 décembre, lorsque les actionnaires de Dexia devront se prononcer ?

Il n'y a pas beaucoup d'options. Soit les actionnaires acceptent le plan de relance présenté, y compris l'injection de capital et donc la dilution de leur participation, Dexia étant nationalisée de facto. Soit, ils choisissent la faillite, ce qui activera les garanties publiques et le contribuable devra allonger encore plus. Sans parler de l'effet de choc et des conséquences pour d'innombrables autres institutions. Je ne pense pas que quiconque voudrait avoir cela sur sa conscience.

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